L’instrumentalisation de la laïcité par la Bollosphère.
« Vous voulez qu’on fasse un pari, dans 10 ans le voile sera autorisé à l’école». A la manière de l’annonce d’une météorite, le 9 octobre 2024, Pascal Praud sur CNews, fait cette prédiction. La Bolloshphère est en effervescence, à Tourcoing
une élève a giflé une enseignante qui lui demandait de retirer son voile avant de quitter l’établissement. Une énième affaire de voile pour détourner l’attention sur les violences scolaires ? Non, ce serait trop simple. L’emballement se poursuit, « de source proche du dossier » CNews affirme qu’une dizaine d’enseignants auraient soutenu l’élève voilée, une liste de noms circule sur X. Or, les enseignants ont au contraire apporté un soutien unanime à l’enseignante frappée, ont discuté de la possibilité ou non d’autoriser les élèves à mettre leur voile dans les toilettes avant de quitter l’établissement, et n’ont en aucun cas apporté leur soutien à une élève violente ! Cas flagrant de désinformation à caractère potentiellement explosif, le service CheckNews* de Libération s’est demandé qui était la “source proche du dossier” ?
Piqué, CNews révèle qu’il s’agit du cabinet de M. Retailleau. Ce ministère est donc capable d’alimenter, sans se préoccuper de la réalité, un récit qui attise la haine et dire ensuite qu’il est le garant de l’ordre.
La laïcité entre valeur morale et principe de neutralité.
Au fil du temps la laïcité est devenue une croyance destinée à faire « vivre ensemble » des Français dans un pays où les richesses sont réparties de manière de plus en plus inégalitaire. Passé d’un principe de protection des individus, il est devenu un outil de différenciation. De principe de neutralité de l’État, il est devenu une valeur morale, une norme disciplinaire qui distingue les croyances qui appartiennent à la République de celles qui menaceraient de s’en séparer. «Le voile islamique est l’étendard d’une idéologie qui affiche son refus de la laïcité française”, M. Retailleau a le sens de la nuance lorsqu’il défend la loi contre le séparatisme en 2021.
En imposant la laïcité comme une valeur morale, l’extrême droite a détourné la laïcité comme principe capable de pacifier les conflits de valeurs. La présence du voile dans l’espace public est jugée attentatoire au « vivre ensemble » par le RN, devenu avec ces 143 députés, un parti républicain d’extrême droite, défenseur de valeurs identitaires.
La laïcité sépare les religions de l’État, pas de la société.
En 1905, des « intégristes républicains » (ils étaient alors d’extrême gauche) militaient pour interdire les soutanes de l’espace public, le législateur a exclu cette mesure qui aurait dégradé le principe de laïcité. En 2024, d’autres “intégristes républicains” (d’extrême droite cette fois) veulent interdire le voile à l’université et dans l’espace public. L’Observatoire de la laïcité, dans sa grande sagesse,
déclarait en 2016 « dans l’État de droit français, caractérisé par le principe de liberté, on n’interdit pas tout ce que l’on désapprouve ».
Il a été dissout à la suite de ses positions sur le burkini.
L’importance de défendre le droit de croire et de ne pas croire.
Depuis la loi de 2004, le port de signes religieux est interdit dans les lieux où il pourrait attenter à la liberté de croire ou de ne pas croire, pour l’essentiel à l’école et dans l’administration. La loi de 2021 contre le séparatisme interdit le voile intégral dans l’espace public, y compris les associations et les entreprises, pour des raisons de sécurité.
Comment résister aux instrumentalisations et déviations du principe de laïcité qui brouillent les discours et rendent l’enseignement de la laïcité
toujours plus complexe ? Le secteur « Droits et libertés » du SNUEP-FSU a donc décidé de proposer une formation à Paris, le jeudi 3 avril 2025, en présence de Nicolas Cadène (ex-rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité) et Paul Devin
(ex-inspecteur de l’EN et président de l’institut de recherche de la FSU).
Inscription auprès du secrétariat académique : sa.aix-marseille@snuep.fr