Le Remplacement de Courte Durée cheval de Troie pour un contrôle accru de nos pratiques!

Comme en septembre 2023, il n’y a pas à cette rentrée un·e enseignant·e devant chaque classe. Dans 56% des collèges et lycées, il manquait au moins un.e professeur.e à la rentrée. L’échec du Pacte démontre que la profession a compris qu’il ne s’agissait ni d’une solution au remplacement ni d’une revalorisation. La chasse aux heures perdues n’est qu’un subterfuge pour faire oublier les 3000 postes non pourvus aux concours cette année. Le ministère à travers le RCD demande aux professeur.e.s en poste de compenser ses défaillances et de travailler plus pour s’épuiser plus. Depuis les premières annonces concernant le Pacte au printemps 2023, le RCD (remplacement de courte durée, pour les absences de moins de 15 jours) est au centre de tous les enjeux, priorité absolue pour le président de la République, il est aussi l’aspect du dispositif le plus massivement rejeté par les personnels (11% seulement des parts de RCD ont été consommé dans notre académie). Pourtant en cette rentrée 2024, le ministère s’est à nouveau lancé dans une campagne très offensive pour assurer le RCD coûte que coûte, pensant ainsi compenser la crise du recrutement que traverse l’Éducation nationale, comme les suppressions massives de postes dans l’EN depuis 2017.

Un contrôle accru de nos pratiques et une atteinte à notre liberté pédagogique
Un guide du remplacement de courte durée à l’intention des chef·fes d’établissement est publié par le Ministère en septembre 2023 et complété dans une nouvelle version à la rentrée 2024. Depuis l’été 2023, les CE ont par décret la responsabilité d’organiser le remplacement de moins de 15 jours dans leur EPLE. Depuis mars, cela a été élargi, toujours par décret, à l’organisation de la continuité pédagogique, donc au-delà des 15 jours 
Ce guide n’a aucune valeur contraignante sur un plan juridique. S’il s’appuie en partie sur les textes réglementaires, il propose aussi des modalités de mise en œuvre qui viennent heurter le sens de nos métiers et notre liberté pédagogique, sans aucune pertinence pédagogique. Le guide liste une série de prescriptions à faire appliquer aux enseignant·es pour faciliter les remplacements : construire des outils et des supports communs, se former à des outils institutionnels numériques, partager leurs ressources…. Les professeur·es qui ne remplacent pas doivent prendre du temps pour faciliter les remplacements effectués par leurs collègues. Les personnels « remplacés » sont eux-mêmes mis à contribution.
Le guide propose ainsi de contraindre les pratiques y compris des personnels qui n’y participent pas, pour que tout·e enseignant·e soit facilement « remplaçable ». Puisqu’elle nuit à l’organisation du RCD, attaquons donc la liberté pédagogique !

Un non-sens pédagogique
Les élèves n’ont rien à gagner au déploiement de ce système : quel sens peuvent avoir ces heures de cours, prises en charge au pied levés par un·e enseignant·e qui ne connait pas la classe, qui enseigne parfois une autre discipline que celle de l’enseignant·e absent·e ? Il ne suffit pas de mettre un adulte devant chaque classe pour améliorer les conditions d’étude et garantir la réussite des élèves. 
L’article 5 du décret RCD précise « Les remplacements de courte durée sont prioritairement assurés sous la forme d’heures d’enseignement. Toutefois, pour assurer effectivement les heures prévues à l’emploi du temps des élèves, des séquences pédagogiques peuvent être organisées au moyen d’outils numériques. Ces séquences pédagogiques peuvent être encadrées par des assistants d’éducation. »
Non seulement il ne constitue pas du remplacement poste pour poste (autrement dit, un-e professeur-e de lettres pourra être remplacé-e par un-e professeur-e de maths qui fera donc…des maths, et l’heure de français sera toujours perdue !), mais encore les élèves pourront être mis devant une capsule du CNED, surveillés par des AED. Le Pacte, ce n’est donc pas forcément du remplacement par une heure de cours par une professeur ! Cette mesure méconnait aussi complètement l’état des vies scolaires et les conditions de travail des AED : cela reviendrait à faire peser une tâche supplémentaire sur des vies scolaires déjà en sous effectifs et sur des AED aux conditions de travail notoirement dégradées.

Elle est une forme de mépris supplémentaire de la part de l’institution pour des collègues qui jouent pourtant un rôle fondamental dans les établissements.

La volonté de réduire les absences par tous les moyens constitue un appel à réduire drastiquement les sorties, voyages scolaires ou autres projets qui dégraderaient le taux de remplacement, ou à opérer un chantage sur les personnels : pas d’autorisations sans remplacements assurés ! Cela risque de priver nombre d’élèves de projets, de sorties et de voyages scolaires.

Une remise en cause des droits des personnels
La chasse aux heures perdues entraîne l’administration à multiplier les mesures pour limiter les absences des personnels quitte à menacer notre droit à la formation avec notamment l’organisation des formations systématiquement en dehors des temps de face à face pédagogique. 
Le guide tente une offensive sur les autorisations spéciale d’absence de droit en suggérant aux CE de demander de l’auto – remplacement !
Nous rappelons qu’aucun·e enseignant·e ne peut se voir imposer de RCD contre son gré. Soit il ou elle est Pacté·e, soit il ou elle donne son accord et reçoit une rémunération en HSE.

Parce que le RCD dégrade profondément nos métiers, nie nos compétences et notre professionnalisme, parce qu’il alourdit notre tâche, parce qu’il constitue un non-sens pédagogique, nous refusons d’assurer le remplacement de courte durée.
Pour assurer les remplacements et faire en sorte que les élèves bénéficient de l’enseignement auquel ils ont droit, il faut une campagne massive de recrutement